L'Homme sur la plage

Grâce à Dieu ou à quelque chose d’autre, nous sommes dotés de la conscience de notre existence. Une forme poussée de réflexion que nous avons construite au fil de nos découvertes (le feu, le fer, le vin, Internet) nous permet de comprendre peu à peu le monde qui nous entoure et de réfléchir à notre existence. L’Homme resté assis sur la plage face aux étoiles est limité par son corps parce qu’il doit faire ses besoins comme un vulgaire chien. Mais ces servitudes permettent dans notre cas de faire fonctionner – finalement on ne sait pas trop comment – quelques kilogrammes de matière spongieuse et grise, dont il ressort que l’Homme est doté de conscience. Et c’est à première vue le seul à qui cela est arrivé. Il existe plusieurs manières d’apporter des éléments de réponse aux questions que peut se poser l’Homme qui s’est soulagé puis est qui est retourné sur la plage voir les étoiles. Mais celles que je préfère proviennent de la science.

On sait que par une conjonction incroyable d’évènements, la vie est apparue sur Terre. Il a fallu du temps pour comprendre que c’est une grosse boule, qu’elle tourne – comme quelques autres – autour du Soleil. C’est notre étoile, une boule incroyable dont le fonctionnement peut être décrit en terme de matière, de pression, de température et d’énergie, mais dont les valeurs dépassent complètement notre entendement. On l’assimile donc à une sorte de boule de feu, chaude, lumineuse et lointaine, et on se résout à n’en tirer qu’un vulgaire bronzage, quoique certains trouvent le moyen d’aller jusqu’au cancer de la peau. Grâce au Soleil, une bonne température, des conditions chimiques optimales, quelques milliards d’années et voilà, des pots d’échappement catalytiques aux éjaculations faciales en passant par le suffrage censitaire, nous voici. L’Homme sur la plage regarde les étoiles, il a un peu bu et se demande ce qu’il y a, là-haut.
D’autres soleils, d’autres planètes, répond la science. Mais l’Homme, qui a construit de gros télescopes capables d’aller voir à des distances inimaginables, ne voit rien d’autre. Statistiquement il y a forcément d’autres planètes dans des configurations similaires à la notre. Mais de toute façon cela fait à peine deux mille ans qu’on compte les tours de la Terre autour du soleil. Il y a 6 millions d’années nous étions des singes. Ce ne sont que quelques fractions de seconde dans l’Histoire de l’Univers, qui commencerait semble-t-il au fameux Big-Bang, il y a, allez, 13 milliards d’années. Voilà peut-être pourquoi personne ne vient nous parler ni nous rendre visite. Il doit y avoir aux quatre coins de l’Univers des coccolithophoridés qui commencent à peine à produire laborieusement quelques molécules d’oxygène. Vivement la Star Academy !

Rassuré sur ce point l’Homme de la Nature songe que soit d’autres civilisations ont existé et que dans quelques années on fera des fouilles archéologiques à l’autre bout de l’Univers, soit l’Homme est tout simplement le premier. Difficile de trancher, comme ça, sur la plage. Vu notre niveau de développement, comment une civilisation pourrait-elle s’éteindre ? Si d’autres ont déjà disparu, jusqu’à quelle point sont-elles allées ? Combien d’homo sapiens ont reçu une bonne grosse météorite sur la tête alors qu’ils commençaient à peine à découvrir les joies de la peinture au coin du feu ? Une bouffée d’air frais du large fait assimiler l’information à l’Homme sur la plage. Mais d’autres questions le taraudent encore.

Le Big-Bang comme théorie du commencement de l’Univers. Qu’est-ce que ça veut dire ? N’y avait-il rien avant ? Mais rien où ? L’univers serait en pleine expansion. La notion d’infini est mathématique, elle n’est pas concevable dans la Nature. Les grandeurs auxquelles nous sommes habitués sur Terre ne peuvent qu’être des grandeurs locales, un coin de voile levé sur cette étrange chose qui nous a donné naissance et dont il paraît peu probable qu’on voie un jour dans sa globalité. Cet Univers dont nous ne concevons pas les limites ne peut qu’être une projection de la Réalité sur les trois dimensions auxquelles nous avons accès, quatre pour les plus malins. Ce sont peut-être des informations tout simplement impossibles à se procurer, comme dans la fameuse allégorie de la caverne de Platon. Et pourtant Impossible n’est pas français !

Il ne reste donc à l’Homme sur la plage qu’à contempler de la beauté des étoiles en pensant à ses descendants qui continueront si tout se passe bien, si les émissions de CO2, les têtes nucléaires, la pauvreté ou la connerie n’anéantissent pas ce doux rêve de connaissance.