Serpoga ou les aventures d'un Quatuor Urbain (1)



1. Trafic

Renault conduisait le Renault Trafic que la bande de jeunes avait acheté en rassemblant leurs économies un mois auparavant. L’utilitaire avait un bonne quinzaine d’années et un kilométrage inavouable, mais avalait encore courageusement les heures de route qu’ils lui faisaient subir. Eux, c’étaient des étudiants nantais, mais en fin de cursus. La moyenne d’âge atteignait vingt-cinq ans, et quelques uns devraient bientôt se préoccuper de trouver un emploi. C’étaient de vieux étudiants rassemblés à cinq dans une camionnette pour une expédition très particulière en Grèce. Bercée par les vibrations du diesel et du macadam, Mirea, la seule fille du groupe, dormait à poings fermés sur le grand siège passager, à côté de Nany, un garçon qui ne prenait pas beaucoup de place sur le siège mais se rattrapait dans les conversations. Le bavard du groupe n’était pas du genre dormeur hors de ses quartiers habituels, et il tenait compagnie à Renault en relançant sans arrêt la discussion dont on ne saurait dire précisément si elle concernait les femmes, les voitures ou la politique française. Juste derrière ces trois-là, posé sur une banquette grinçante, Oneill préparait pour la prochaine pause un joint soigné et alimentait lui aussi la discussion, y allant de ses anecdotes. Ils venaient de quitter Skopje en Macédoine au lever du soleil, et il leur restait une bonne journée de route avant d’atteindre la Grèce et plus particulièrement les abords du mont Parnasse.

Le chef de la bande, cinquième occupant de l’utilitaire, initiateur du projet et coordinateur des forces, s’appelait Adrien Serpoga, il étudiait les lettres, et quelques langues mortes. Il possédait un énorme livre rédigé en grec ancien, vieux de plusieurs centaines d’années selon lui, et qui décrivait tout bonnement comment accéder à plusieurs kilos d’or au fin fond d’une grotte. Le grimoire les menait au pied du mont Parnasse, en Grèce à un peu plus d’une centaine de kilomètres d’Athènes. Le vieux livre était soigneusement entreposé à l’arrière du Trafic, avec les quelques affaires de bivouac qu’ils avaient préparées pour leur expédition, et Adrien Serpoga s’était endormi là-dedans, après avoir conduit plus de quatre heures pendant la nuit.

Leur dernière étape avait été Francfort, où Mirea connaissait une amie qui les avait accueillis pour la nuit. Depuis, ils s’étaient relayés au volant et aux places confortables de la camionnette pour parcourir près de deux mille kilomètres. Ils étaient coutumiers depuis les vingt-quatre dernières heures des aires de repos pour se dégourdir les jambes, se soulager, faire une indienne et repartir après quelques parties endiablées d’un de leurs jeux de société. Le réchaud à gaz et la cafetière italienne fonctionnaient à plein régime lors de ces pauses qui s’apparentaient à des soirées comme ils en faisaient en France, sauf que cette fois-là une aire d’autoroute allemande, puis autrichienne, croate, serbe et enfin macédonienne leur avaient servi de salon. A Skopje, Oneill avait proposé une partie de poker et ils n’avaient rien trouvé de mieux que de miser pour désigner le conducteur suivant. Serpoga avait perdu mais venait de parcourir les trois cent derniers kilomètres alors Renault avait pris le volant. Vingt quatre heures les avaient fait traverser l’Union Européenne de part en part, comme un éclair zèbre la nuit.


***


Tous s’étaient plus ou moins connus à l’université, Oneill et Renault dans une école d’ingénieurs qu’ils venaient d’achever, Nany et Mirea en faculté de droit, et Serpoga participant à leur soirées. Puis Serpoga s’était pointé un jour avec ce livre et cette idée un peu folle d’aller chercher un trésor en Grèce. Seul, il n’aurait pu entreprendre cette quête, alors tel un recruteur il avait trouvé parmi ses amis ceux qui seraient assez fous pour dire oui et assez utiles pour surmonter les embûches qui jalonneraient à coup sûr leur parcours. Son grimoire, dont la traduction en français était presque terminée, relatait en effet certains pièges dans le chemin qu’ils devraient suivre, et s’en faisait le guide. Voilà pourquoi Serpoga traduisait depuis plusieurs mois le livre, pour que tous puissent accéder aux précieuses informations.

L’objet était crédible pour un grimoire, sa couverture était en cuir épais et durci par le temps, et les pages jaunies avaient gonflé et conféré au livre un volume excessif. Serpoga utilisait une sangle de sac à dos pour le maintenir fermé, et avait photocopié sa dernière version française en série limitée. Il leur rappela à nouveau à la pause suivante, en Grèce, qu’il ne fallait pas en parler et dissimuler les exemplaires photocopiés pour ne pas que les précieuses pages tombent entre d’autres mains. Il avait lui-même camouflé le grimoire dans le coffre du Trafic dans une grande couverture.

L’étape se déroulait à Vólos en Thessalie, où ils prirent le temps de sortir de l’autoroute et d’accéder à une petite crique pour pique-niquer au bord de la mer Égée. Adrien Serpoga leur raconta l’histoire d’ Égée, roi d’Athènes, qui s’était jeté dans la mer du haut d’un rocher en croyant que son fils Thésée, parti affronter le Minotaure, en était mort. Mais Thésée devait à l’amour sa survie, sa nouvelle conquête lui ayant remis une pelote de laine grâce à laquelle il parvint à sortir du labyrinthe conçu par Dédale. Thésée avait tué le monstre à tête de taureau pendant qu’il dormait !

Il faisait un temps magnifique pour un mois de septembre en Grèce, le soleil du début d’après-midi chauffait le sable et ils trempèrent même leurs pieds dans le tombeau d’ Égée avant de se préparer une marmite de spaghettis bolognaise, qu’ils firent suivre d’une tournée de cafés. Mirea réquisitionna ensuite le réchaud pour remplir son thermos de tisane que tous apprécieraient une fois le Trafic reparti sur les routes. Serpoga termina le joint de Oneill pour clore son histoire et proposa de rester sur cette plage bien agréable avant de rejoindre l’auberge de jeunesse de Lamia, au pied du massif du mont Parnasse qui n’était qu’à deux heures de route. Une bonne nuit de sommeil et ils rejoindraient dès le lendemain un sentier de randonnée indiqué par le manuscrit, et commenceraient quelques jours de bivouac. La suite n’était que théorie.

- On va acheter une carte détaillée du massif montagneux à Lamia, déclara Renault, comme ça on pourra comparer avec celle que tu as dans ton bouquin.
- Il ne faut pas rater l’entrée de la grotte, ajouta Oneill.
- Ne vous inquiétez pas, ma carte est hyper détaillée, on ne peut pas se tromper, affirma Serpoga.
- Tu ne peux nous en dire plus sur les énigmes ? demanda Nany, que les énigmes intriguaient depuis le début du voyage.
- Ecoute, on verra en temps voulu, parce que là pour l’instant ce que je lis ne signifie rien. Regarde plutôt : « A l’endroit où capitule Eole, on doit au capitole sa mule ».
- J’y ai réfléchi cette nuit à cette drôle de phrase, et je pense qu’après l’entrée de la grotte il doit y avoir un endroit où nous serons bloqués. Sinon le vent passerait, et le vent c’est Eole.
- Bien joué, avoua Oneill. Et si l’on doit au capitole sa mule, il faudra sûrement donner à quelqu’un une mule. Faudrait prévoir ça.

Les quatre étudiants étaient hilares mais Serpoga ne trouvait pas cela drôle. Il se demandait vraiment si ils ne risquaient pas de tomber dans un trou et de périr dans ce trou comme des rats, ou de tomber d’une falaise, sur un pont de lianes fragiles. On eût pu qualifier Serpoga de petite nature, mais sous l’écrasant soleil grec, il fit un bad trip purement spirituel où il se voyait mourir de toutes les façons desquelles Indiana Jones avait réchappé. Son cœur battait la chamade alors qu’il était poursuivi par des turcs, et il transpirait imaginant une énorme boule le poursuivre. Finalement il alla vomir sous un palmier, et fit une sieste à l’ombre.

Mirea s’était couverte d’un chapeau et proposa un jeu à base de cartes à jouer, d’un morceau de bois et d’un caillou. Elle avait appris ce jeu avec Renault chez une alsacienne et un ingénieur lorsqu’ils habitaient quelques années plus tôt à Strasbourg et ne cessaient d’y jouer avec leurs amis. Chacun avait un tas de cartes et les règles commandaient aux joueurs de s’emparer du morceau de bois ou du caillou s’ils avaient la même figure ou la même couleur qu’un autre joueur. Ce jeu basé sur l’observation et les réflexes les faisaient à coup sûr passer un moment d’excitation intense et ils en étaient drogués.

Serpoga ou les aventures d'un Quatuor Urbain (2)


2. Destination Mykonos

Après de nombreuses parties de ce jeu qui n’avait toujours pas de nom plus concis que « le jeu avec le bout de bois et le caillou », Mirea commença une sieste à l’ombre avec Renault qui ne demandait que ça, et Nany sortit de sa poche un petit morceau de haschich. Il expliquait à Oneill une autre manière de rouler, non pas à la marocaine mais à l’algérienne. Toujours spectateur des performances de Nany, Oneill l’observa réaliser son tour de force qui consistait à laisser apparent le logo « Camel » à la base du joint. Ils fumèrent en se livrant une nouvelle fois leurs impressions quant à ce voyage. Tous deux avaient du mal à croire à cette réserve d’or cachée au creux d’une montagne grecque, ou alors elle serait tellement protégée qu’ils abandonneraient au premier obstacle.

- Il n’a toujours pas voulu dire où il avait trouvé ce vieux bouquin, dit Oneill.
- Non, c’est bizarre en effet. Pourtant tu avoueras que l’objet ne ressemble à rien d’autre, répondit Nany. Je veux dire que si je voulais fabriquer un faux grimoire, je serais bien ennuyé. - - T’as déjà essayé de fabriquer un parchemin quand tu étais jeune ?
- Non, pourquoi, toi oui ?
- Ben ouais. Et c’était pas crédible.
- Parce que tu l’as mal fait, il y a des gens dont c’est le boulot. Les accessoiristes, précisa Oneill. Non mais ce que je veux dire c’est qu’on suit Serpoga un peu trop aveuglément.
- Tu veux que je te dise ? Ils sont comme toi Oneill, ils s’en foutent. Mirea et Renault, pour eux c’est des vacances. Ils ne veulent pas contrarier Adrien, c’est tout.
- Tu le laisserais tomber ?
- Je ne pense pas, j’ai envie d’aller voir ce que dit ce livre, ça m’intrigue. T’as vu la traduction, c’est plein d’énigmes. Franchement si ce n’est que du vent ça ne me fera rien, je ne compte pas trouver des kilos d’or.
- Ce serait lourd à porter…
- Ce qui m’inquiète c’est la manière dont Serpoga prend toute cette histoire au sérieux.

Ils en étaient à ce stade de leur journée – Serpoga dormait encore sous le palmier – lorsque arriva un bus immatriculé en France et aux couleur du logo de Canal + qui manoeuvra pour se garer sur le même parking qu’eux, à quelques mètres de leurs palmiers. Dans la seconde, Oneill et Nany réveillèrent les trois autres, Serpoga alla plonger sa tête dans l’eau pour effacer les traces de sa déconvenue. Quelle surprise pour les nantais de voir descendre du bus Stéphane Bern, plusieurs filles, et quelques techniciens de la chaîne de télévision française. Renault reconnu un obèse qui descendait lentement en transpirant et s’exclama :

- C’est Guy Carlier !
- C’est ouf, s’exclama Mirea.
- On va les voir ? proposa Nany déjà hilare.

L’équipe semblait s’apprêter à tourner une séquence et ils craignirent quelques instants de se voir demander de participer au show. Ils s’adressèrent à Stéphane Bern et Guy Carlier, qui restaient en marge des caméras et des quatre filles en maillot de bain. C’étaient les « Bern Académiciennes » du moment, des actrices qui tenaient une chronique dans une émission de Canal +, et qui changeaient d’année en année. Ils se présentèrent comme auditeurs de France Inter et non comme spectateurs de Canal +, ce qui étaient plutôt vrai.

- On fait un épisode de la Bern Académie en Grèce, vous connaissez l’émission télé ? demanda Bern en voyant les nantais se tordre de rire. C’est une spéciale qui sera diffusée cet hiver.
- Demain on va à Mykonos, ajouta Guy Carlier, ce qui arracha à Nany un « ho ho » à l’apogée de son fou rire.
- Oui, on connaît finit par articuler Mirea. Nous sommes en vacances, nous venons de Nantes.
Les présentations furent faites et comme Bern n’avait pas son mot à dire sur le tournage et qu’il n’apparaissait que dans quelques scènes, ils s’assirent tous ensemble et burent des sodas frais tout droit issus du frigo Canal +. Carlier expliqua que son ami Stéphane Bern lui avait téléphoné un mois auparavant pour lui demander de l’accompagner pour ce voyage car cela promettait d’être ennuyeux à mourir. Quand il avait entendu qu’une étape à Mykonos était prévue, Carlier avait longtemps cru à une blague. Finalement après avoir beaucoup ri, il avait accepté les vacances au frais de Canal +. Les nantais proposèrent aux deux improbables hôtes de cette plage une partie du jeu du morceau de bois et du caillou à l’ombre d’un palmier pour se divertir. Comme ces derniers ne connaissaient pas le jeu, ils se trompèrent souvent et perdirent toutes leurs parties pendant quelques tours puis devinrent plus rapides. Stéphane Bern arrivait à sortir du lot de temps en temps mais Guy Carlier se retrouvait immanquablement dernier. C’est pourquoi il en eut marre et quitta la partie en expliquant qu’il faudrait que le morceau de bois soit plus gros et vertical car il était trop difficile à attraper. Sans le savoir, il venait de poser sa pierre à l’édifice qui apporterait plus tard le Jungle Speed, une affaire qui prendrait une dimension internationale.

- Et il faudrait jouer sur une table ! ajouta-t-il en se levant difficilement.
- Attends, Guy, je vais venir aussi car je vois le réalisateur qui s’énerve parce que je devrais déjà avoir mon horrible veste jaune pour la conclusion de cette scène. Avec une cravate rouge, je ressemble à une pâtisserie.

Les yeux rouges et ébahis des Indiana Jones en herbe regardèrent s’éloigner ceux qu’ils avaient à une époque écoutés quotidiennement et qui se retrouvaient maintenant complètement empêtrés dans le système du show business au point d’aller tourner des épisodes à Mykonos. Renault et Mirea défendaient une thèse selon laquelle ils profitaient bien du système et en ne se préoccupant pas de ce que pouvaient bien penser les autres, et qu’ils avaient raison. Il était effectivement triste que les émissions soient d’un niveau de plus en plus médiocre mais ils ne pouvaient enrayer cette machinerie infernale qui précipitait la télévision vers la poubelle. Alors comme elle leur avait donné naissance, la télé les accompagnait dans leur cercueil médiatique à petits pas. Oneill et Nany cependant critiquèrent de manière plus virulente ce style de vie en affirmant qu’ils auraient dû se retirer plus tôt du PAF, pour ne pas faire plouf. En fait ils exprimaient à eux tous un sentiment général, que partageait peut-être Serpoga sans rien dire, car ce genre de discussions ne l’intéressait pas.

Serpoga ou les aventures d'un Quatuor Urbain (3)


3. Hallu à Lamia

L’auberge de jeunesse de Lamia ne se situait même pas à Lamia mais en lisière de la petite ville au pied des montagnes grecques du Pinde. De l’autre côté du mont Parnasse se trouvait le golfe de Corinthe, mais le club des cinq avait d’autres préoccupations que le tourisme. Ils foncèrent au supermarché le plus proche faire des provisions et regagnèrent l’auberge de jeunesse pour se reposer. Dans leur chambre, ils évoquèrent le lendemain : Serpoga ne savait pas combien de temps durerait l’expédition, ils laisseraient la camionnette sur le parking du départ de randonnée, tous les campeurs faisaient ça, et ils rempliraient judicieusement leurs sacs. Mirea était séduite par le camping et la randonnée, mais Oneill tenait à préserver un certain confort et assumait de porter un matelas pneumatique. Nany essayait d’alléger son sac par tous les moyens, et Renault comme Serpoga se torturait l’esprit pour décider quoi prendre. La traduction du grimoire n’étant pas terminée, il fallait emporter le livre.

- A la limite tu prends deux jours tranquille pour finir la traduction. On partira sans ce gros bouquin et tu pourras emporter des choses plus utiles, suggéra Oneill.
- Oui, comme ça on se détend deux jours, on se repose, ajouta Mirea, toujours prête pour se la couler douce.
- Deux jours c’est largement suffisant, il me reste une dizaine de pages, on peut faire ça comme ça si vous voulez, déclara Serpoga.
- C’est écrit gros ? s’inquiéta Nany en fronçant les sourcils.
- Oui, et c’est illustré.

C’est ainsi que fut décidée une pause de deux jours avant d’entreprendre l’expédition. Le soir ils mangèrent à l’auberge où pour quelques euros ils avaient droit à un repas conséquent avec les autres occupants de l’auberge. L’ambiance rappelait aux jeunes nantais les colonies de vacances avec les verres et les assiettes industriels produits en grande série pour les collectivités. Qui n’avait jamais regardé sous son verre le numéro inscrit pour savoir qui irait remplir la carafe d’eau ? A leur table se trouvait un couple d’anglais avec qui ils nouèrent rapidement le contact. Mirea entama la discussion avec le jeune homme, un grand bonhomme aux cheveux ras qui parlait le français avec un fort accent. Lui et son amie venaient du Pays de Galles, d’une petite ville côtière nommée Swansea que les nantais ne connaissaient pas. Lussey, qui était journaliste, avait passé plusieurs années en France pour son métier, et connaissait un peu Nantes. Il leur présenta sa compagne, Janen, et ils ne se firent pas prier pour prononcer son prénom « Janine ».

Renault fut ravi de s’exercer à parler anglais avec la jeune femme, et de pouvoir se donner une contenance et un exutoire pour cacher son éternelle jalousie. Les deux gallois étaient arrivés deux jours plus tôt pour un reportage très particulier et Lussey leur expliqua en quoi cela consistait. Sur un forum Internet courait depuis quelques mois une rumeur surprenante, et régulièrement de nouvelles sources la confirmaient. Cependant la chose était tellement singulière et isolée qu’aucune preuve irréfutable n’avait pour l’instant été fournie. Au prix d’une petite mascarade, on pouvait passer du sommet du mont Parnasse au sommet de la tour Montparnasse à Paris, à condition de faire le tour du mont à pied avant d’atteindre le sommet. Une fois là-haut, il fallait mâcher des pétales de fleurs qui plongeaient dans un profond sommeil et l’on se réveillait au sommet de la tour Montparnasse. Il s’agissait bien de cette montagne en face de Lamia, contournée par un chemin vieux comme le monde passant par la fameuse ville de Delphes qui abritait la Pythie dans la mythologie et de la tour parisienne.

Depuis qu’un premier intervenant avait lâché cette information sur le forum, en expliquant tous les détails, deux hollandais habitués du forum avaient décidé d’inclure un détour dans leur voyage en Grèce, à tout hasard. A cette époque sur le forum tout le monde prenait l’initiateur pour un dingue, ou un mauvais plaisantin. Les internautes s’étaient fendu la poire en imaginant les hollandais mâcher des fleurs au sommet du mont Parnasse. C’était en août, et à cette époque, avant que les hollandais ne donnent des nouvelles, l’internaute avait déposé des photos sur le forum. Elles représentaient deux grecs d’un vingtaine d’années dans les diverses étapes du voyage. Ces photos étaient troublantes : les grecs étaient habillés exactement de la même manière sur les prises de vue, ils avaient pris en photo ce mur en face de la tour Montparnasse où une horloge indiquait la date et l’heure, mais il n’y avait pas l’équivalent à Lamia alors tous les doutes restaient possibles.

- Quelques jours plus tard le couple de hollandais laisse un message sur notre forum. Ils l’avaient fait ! Eux aussi ont mis des photos en ligne, toujours les mêmes, un sommet entouré par une mer de nuages… continua Lussey.
- Le mont Parnasse culmine à 2457 mètres, et il est le troisième sommet de Grèce après le mont Olympe bien sûr, ajouta Janen. L’été il fait très chaud généralement, mais il faut se renseigner sur la météo pour les orages, surtout en août et septembre. La semaine à venir est calme.

Nos amis le savaient bien, ils avaient justement choisi cette semaine pour les conditions climatiques particulièrement favorables. Lussey fit passer une feuille de papier, c’était le message du couple de hollandais.

Bonjour à tous,

Nous vous écrivons depuis un cybercafé près de la gare Montparnasse à Paris, nous sommes arrivés sur le toit de la tour Montparnasse il y a environ deux heures. C’était incroyable ! Nous avons appliqué à la lettre les consignes de Peter34, avec le tour du mont qui nous a pris deux journées entières au départ de Lamia, puis nous avons immédiatement entrepris l’ascension par le chemin de grande randonnée, et arrivés au sommet, eh bien nous n’avions pas fait tout cela pour rien : les fleurs de Sogé abondaient, même à cette altitude. Les pétales avaient effectivement une couleur plus vive qu’en plaine. Bref nous en avons mâché trois chacun comme Peter34 l’indiquait et nous nous sommes endormis dans nos sacs de couchage. Nos montrent indiquaient 15h35, nous l’avions noté sur un papier..

Puis le réveil à Paris, de la pluie, nos sacs de couchage trempés, nous dormions sur le toit de la tour Montparnasse, impossible de dire depuis combien de temps. Il était 17h15 et nous avions été réveillés par l’humidité. Nous étions tous les deux très fatigués, et nous étions comme démotivés au début. Après, lorsque nous eûmes réalisé ce qui s’était effectivement passé, quel vertige ! Nous sommes descendus sous quelques regards médusés, d’autres imperturbables… Et nous retournons en Hollande en Thalys dès ce soir. Dans quelques jours les photos !

Ann & Frank

Serpoga ou les aventures d'un Quatuor Urbain (4)


4. La zik des Muses

A Lamia, ils avaient arpenté les boutiques du centre, des échoppes souvent destinées aux touristes venus au mont Parnasse, mais aussi un marché grec avec tout ce que l’on peut trouver dans un marché grec. Serpoga ramenait un guide touristique qui se combinerait idéalement comme outil de repérage avec le choix de Renault, une carte du massif. Mirea avait été plus fantaisiste et négocié au marché des bracelets métalliques, qu’elle arborait fièrement aux poignets et faisait tinter en demandant aux autres leur avis. Oneill s’était débrouillé pour trouver un vendeur puisqu’il ramenait un gros morceau de haschich grec, qu’il brûlait d’envie d’essayer. Les commerçants locaux lui en auraient longuement vanté les mérites, et le matériel local était bon marché. Nany avait été farfouiller dans des boutiques farfelues et arborait autour du cou un sifflet, ou plutôt un appeau, dans il lequel il soufflait en faisant un son étouffé. On ne pouvait même pas faire de musique avec ça. Il leur expliqua longuement que le sifflet en question servait à éloigner certaines muses malfaisantes pour ne pas se faire emporter par elles et ne jamais revenir. Il lui avait été vendu par une vieille femme au fond d’une boutique dont il ne se souvenait plus le fond de commerce. Peut-être un antiquaire, disait-il. Tous sans exception commencèrent par se tordre de rire à s’en taper sur le ventre, puis lui posèrent des questions. Ca existe les muses ? Et malfaisantes ? Combien l’avait-il payé ? Quand faut-il l’utiliser ? Est-ce qu’il va souffler dedans toute la journée pour éloigner les buses, euh, les muses ? La nuit aussi ?

- C’est ça marrez vous, moi j’ai acheté un truc trippant, déclara-t-il.
- Et mon shit, alors, il nous fera voir plus de muses que ton sifflet va en éloigner, répondit Oneill, en ricanant.
- Dis-moi quand tu tripes sur des muses, moi je viendrais les faire fuir et tu seras dégoûté.
- Rigolez les gars mais les muses sont connues dans la mythologie pour habiter le mont Parnasse. Mais pas de muses malfaisantes à ma connaissance, affirma Serpoga.

Ils rigolèrent bien avec ce sifflet et on dira ce que l’on voudra mais aucune muse ne les a dérangé ce soir-là. Ils se reposèrent le lendemain avec un concours de grasse matinée remporté haut la main par Nany, puis firent leurs sacs. Le jour suivant, ils partaient à l’aube. La traduction était achevée, les sacs remplis de provisions, le grand départ eu lieu. Le jour où ils quittèrent l’auberge de jeunesse, les deux gallois rencontrés auparavant avaient sur eux deux jours d’avance. Ils étaient partis le lendemain de leur arrivée pour un parcours au début identique au leur. En effet les nantais devraient contourner le mont Parnasse selon le grimoire de Serpoga pour atteindre l’entrée d’une grotte. A l’heure qu’il était, Lussey et Janen devraient avoir terminé le tour complet du mont et devraient amorcer la montée vers le sommet. Ils ne savaient pas quoi penser de ces deux énergumènes pourtant en apparence sans folie aucune. Ce devait être une curiosité innocente et indépendante qui les poussait à faire ce trip. De toute façon s’il ne se passait rien ils en étaient quittes pour une bonne randonnée et un pic en prime à leur palmarès. Finalement ils avaient bien raison.

C’était donc avec une petite pensée pour les journalistes qu’ils commencèrent leur expédition. Il leur fallait théoriquement une journée de marche pour arriver à l’entrée de la grotte, mais ils avaient de quoi passer la nuit et l’âme vacancière de quelque uns rêvait d’une nuit à la belle étoile autour d’un feu. A trop rire on s’était lassé du sifflet de Nany, lui seul continuait à siffloter de temps en temps. Il fallait cependant tenir le bon rythme de Serpoga, et certains urbains fumeurs commencèrent à ralentir. Ils firent quelques petites pauses ça et là puis trouvèrent un coin paradisiaque pour déjeuner. Ils avaient le choix, les flancs du mont Parnasse étaient ombragés, et le chemin croisait plusieurs ruisseaux.

Le thermos de Mirea était déjà vide, c’était pour elle le début de l’aventure. Ils confectionnèrent des sandwichs avec ce qu’ils avaient pu trouver à Lamia, puis Renault argumenta auprès de Serpoga qui ne voulait pas les laisser fumer un joint.

- Regarde-moi ce paysage, on est tellement bien ici. Ca fait combien de temps qu’on a pas passé un moment tranquille au bord d’un ruisseau ? On n’aura qu’à faire une halte ce soir, il fait un temps magnifique.
- N’allez pas traîner en route après, vous allez être nazes.

Renault s’installa tranquillement au bord du ruisseau, les tourbillons de l’eau retentissaient dans ses oreilles et le mont Parnasse veillait sur lui, c’était le bonheur complet. Il proposa une indienne puis jouèrent inévitablement au « jeu des cartes, du morceau de bois et du caillou ». Serpoga perdait sans arrêt. Cette fois ils plantèrent le morceau de bois dans la terre, et le jeu prit une autre saveur.

***

Ah quelle expédition ! Serpoga en tête menait la marche et semblait premier de cordée, alors que Renault attendait Mirea ensuite, que Nany emboîtait le pas, laissant Oneill derrière. Il faut dire que l’ami Oneill semblait plus à ses rêveries qu’à la discussion avec Nany. Ce dernier, ne retrouvant pas le répondant du Oneill des villes, administrait le petit État qui logeait dans son imagination tout en enclenchant la vitesse supérieure.

Mais Oneill n’était pas fatigué. Il marchait d’un pas vif par rapport à ses habitudes, vif et régulier. Il se rendait compte à quel point la randonnée pouvait être belle, un air si pur emplissait ses poumons et tant de paysages se déroulaient sous ses pieds. A la fois fier et enthousiaste, il ressentait chaque nouveau pas comme un degré supérieur de bien être. Pas la moindre fatigue ne ralentissait ses mouvements, et il n’avait plus à réfléchir pour coordonner ses gestes, tout était automatisé, protégé comme dans une luxueuse berline allemande sur l’autoroute. Il enfilerait les kilomètres jusqu’au bout, et laisserait ainsi son regard se perdre au loin au flanc de cette montagne qu’ils contournaient depuis déjà plusieurs heures. Toujours à la contourner et se sentir en même temps en contact intime avec la roche, avec la montagne qui étend ses longs bras jusqu’à la vallée. Dans quelques heures ou le lendemain ils seraient de l’autre côté du mont, du côté de la mer, le golfe de Corinthe serait à une heure de marche. Comment ne pas aller là-bas passer du bon temps ?

Son esprit vagabondait et sautait de pensée en pensée, alors que son corps était laissé au sentier, Oneill flottait sur les flancs du mont Parnasse. Passer du bon temps, cette pensée s’enveloppa peu à peu de fumée très blanche au bord du chemin. Oneill avançait puis marchait dessus comme dans un nuage sans même la voir. Il ne voyait que le ciel incroyablement bleu, uniformément bleu, parfaitement bleu.. Au milieu de cette fumée blanche les arbres devenaient des palmiers. Il voyait une plage sous ce ciel uni auquel il s’abandonnait, et une mer bleu turquoise. Trois femmes étaient assises sur des transats avec de grands chapeaux, et des bikinis desquels Oneill ne pouvait se détacher. Il ne voyait plus que ces femmes qui le regardaient, l’une attentivement, l’autre malicieusement, et la troisième était capable de lui parler avec ses yeux. C’étaient les yeux qu’il avait toujours voulu voir posés sur lui, et la voix de cette femme résonnait dans sa tête en même temps qu’une musique très étouffée. Elle avait un maillot de bain jaune, très simple, mais qui lui allait comme à une déesse. Le corps d’Oneill n’était pas dans le climat d’altitude de la montagne grecque, à mesure qu’il avançait vers ces femmes au corps parfait. Cette brune aux cheveux longs et très légèrement bouclés lui chuchotait des mots qu’il ne comprenait pas. Cet air de musique pouvait lui faire ressentir un bien-être rare, elle était parfaitement adaptée. Il se sentait poussé et porté vers ces trois créatures à l’air accueillant de bienfaitrices. A mesure que cet environnement s’ouvrait à lui, il reconnut des notes de guitare, détachées et lointaines, puis un air langoureux, qui lui caressait le dos comme pour le faire avancer plus vite. La guitare était plaintive, et parfois un homme à la voix éraillée beuglait quelques paroles lointaines. Pour lui c’était comme une musique qui lui présentait la situation : l’ensemble portait la marque de l’inéluctable, de la pente savonneuse, mais surtout de l’aboutissement d’une souffrance. La fin d’une longue attente, douloureuse. Il lui semblait reconnaître Jimi Hendrix. Peut-être voyait-il aussi dépasser le manche de sa guitare. Oneill n’était sûrement pas sur les flancs du mont Parnasse, il s’allongeait plutôt dans les transats en prenant tout ce que cet univers lui apportait.

Serpoga ou les aventures d'un Quatuor Urbain (5)


5. L’aide du demi-dieu

Ils mirent plusieurs minutes à s’apercevoir de la disparition d’Oneill, et ils eurent beau revenir sur leurs pas, crier à s’en froisser les cordes vocales et fouiller plusieurs buissons, on ne sait jamais, impossible de mettre la main sur leur ami. Alors ils firent un bilan. Retourner à Lamia ou continuer ? Les deux solutions n’étaient pas envisageables, parce que la nuit tomberait dans quelques heures, et qu’ils ne voulaient pas abandonner Oneill. Il s’était sûrement perdu, puisqu’on n’avait rien retrouvé de lui. Pas de ravin, pas de torrent, pas de prédateurs à l’horizon, Oneill aurait été bien inspiré pour trouver la mort dans ce petit coin de paradis. Etourdi, ce sacré bonhomme avait bifurqué et mettait un peu de temps à se rendre compte de son erreur. La décision finale s’imposait à tous : ils passeraient la nuit ici, dans une petite clairière, et allumeraient un feu histoire de guider Oneill, et de griller quelques saucisses.

Ils eurent ainsi tout le temps d’amasser du bois, et l’ambiance attendue par quelques membres du groupe arrivait enfin. Cependant le cœur n’y était pas, le retour d’Oneill se faisait attendre et ils ne purent passer une bonne soirée. Personne ne parlait plus au bout d’un moment, après que toutes les théories aient été échafaudées. Renault passait une énième fois en revue toutes les possibilités, il lui fallait une explication. S’il ne réapparaissait pas cette nuit, ils retourneraient à Lamia pour déclencher des recherches. Lui aussi à la recherche d’explications, Nany évoqua les muses. Tous connaissaient la légende du chant des sirènes, mais Serpoga leur affirma que les muses n’avaient rien à voir avec ça. Les muses inspiraient les poètes, musiciens, écrivains depuis des siècles, avaient habité le mont Parnasse dans la mythologie, mais n’emportaient pas les touristes. Nany affirma pourtant avoir clairement compris à Lamia que son sifflet servait à éloigner les muses malfaisantes. Il commença d’ailleurs à faire le tour de la clairière en donnant du sifflet à tous azimuts pour leur faire relâcher Oneill. En reprenant son souffle il disait :

- J’ai arrêté de siffler cet après-midi, ce qui leur a permis de s’emparer d’Oneill.
- Mais pourquoi Oneill ? demandait Mirea.
- Peut-être parce qu’il marchait en dernier.
- Et qu’il serait vulnérable aux muses, parce que rêveur, continua Renault, qui commençait à trouvait le surnaturel intéressant.

Nany s’époumonait de plus en plus sur son sifflet quand un bruit derrière les arbres les fit tous sursauter. Un petit bonhomme habillé en lutin – chaussures en toile, collants, bonnet et besace – venait de faire irruption dans la clairière et arrivait près du feu en zyeutant les randonneurs. Il avait tout d’une personne normale avec ses cheveux courts, et ses lunettes, mis à part ses habits. Et quelle ne fut pas la surprise du groupe de nantais de le voir s’adresser à eux en français :

- Je discutais avec Dédale d’idées de demi-dieux, lorsque d’hideux drôles d’Indiana décidèrent de me déranger, clama-t-il d’une voix nasillarde.

Soufflés, les quatre nantais ne surent que répondre. D’abord ils étaient surpris, mais n’avaient pas peur. Ce bonhomme inspirait tout sauf la crainte, il souriait et passait en revue les quatre visages, d’un air amical. Finalement il dit encore :

- Dites, déclarez, déclamez donc, je daigne débarquer pour aider, donc desserrez les dents.
- Heu, bonjour, qui êtes-vous ? s’enhardit Serpoga.
- Un demi-dieu dit « mandaté par Zeus » pour débloquer, décoincer, débugger, diantre ! Vous m’avez demandé ? dit-il en pointant son doigt vers Nany.
- Avec ce sifflet, je vous ai appelé, c’est donc ça ? comprit ce dernier, hagard.

La discussion s’engagea donc avec le lutin, qui ne demandait qu’à prendre place autour du feu et déguster quelques saucisses. Il répondait au nom de Nicleu, et leur expliqua qu’effectivement le sifflet était un moyen d’appeler un demi-dieu pour lui demander de l’aide. Peu de sifflets de la sorte circulaient, et cela faisait d’ailleurs longtemps qu’il n’avait pas aidé de promeneurs. Ca le décrasserait, telles furent ses paroles. Il expliqua aussi qu’il fut un temps où les demi-dieux étaient sans arrêt en train de régler les problèmes des Hommes, et qu’ils avaient du prendre des mesures pour contenir les demandes. Maintenant il fallait siffler fort pour bouger un demi-dieu. Bref, lui était là, et très amical.

- Mais dis-moi, Nicleu, c’est quoi exactement un demi-dieu ? demanda Renault.
- Un demi-dieu est un dieu daignant des fois descendre de son piédestal pour accéder au domaine des idiots. Devenir un de vous pour une durée indéterminée.
- Tu vas nous aider ? demanda à son tour Mirea.
- Vous dépanner, d’abord. Davantage si vous donnez le code.
- Le code ?
- Disons qu’une déclaration, comme un code, déclenchera le déblocage et je deviendrai votre guide. Comme un document administratif.

Ils expliquèrent qu’ils n’avaient pas de code, et cela était bien dommage car il connaissait la région et pourrait leur éviter bien des embûches. Quand il eut pris connaissance de leurs projets – ils jouèrent l’honnêteté – Nicleu leur affirma qu’il pourrait bien les aider, mais la formule manquait, et impossible de lui faire dire où se la procurer. Cependant il consentait à les aider à retrouver Oneill. Selon lui leur ami avait été victime des muses malfaisantes du mont Parnasse, elles existaient bien et le sifflet pouvait effectivement les tenir en respect. Nany exultait.
En leur faisant passer un petit sachet qu’il sortit de sa besace, il leur expliqua :

- Dégustez ces cadeaux douteux, ils aident à déterminer où donc un idiot disparaît. Dédale en donne aux désespérés.
- Des champignons ? constata Mirea en ouvrant le sachet.

Les champignons magiques n’inspiraient pas Mirea ni Serpoga. En revanche Nany et Renault les considéraient avec une vive curiosité. Comment les utiliser ? Nicleu leur expliqua qu’ils plongeaient celui qui les mangeait dans un songe à l’issue duquel la solution du problème apparaissait. Dans le cas des muses malfaisantes, il leur faudrait sûrement aller chercher Oneill non loin d’ici et réciter quelques louanges aux muses pour le libérer. Comme ils avaient un sifflet, ils pourraient aussi l’utiliser pour faire fuir les muses à l’endroit où elles se trouvaient. Malheureusement il n’avait qu’une part, et celui qui la prendrait devrait se débrouiller sans les autres. Un seul d’entre eux pourrait faire le voyage.

- Désolé c’est ma dernière dose, vous devez désigner l’un de vous qui découvrira. Décidez !

Et là-dessus il les remercia pour la petite soirée et s’en alla comme il était venu. Un peu sonnés, les nantais possédaient toujours le petit sac de champignons sans savoir qui les mangerait. Pourtant ils étaient assez convaincus par Nicleu et n’avaient d’autre solution. Renault et Nany étaient tous les deux d’accord pour tenter l’aventure, mais Mirea ne voulait pas se séparer de son homme. En même temps elle craignait l’effet hallucinogène que pourraient avoir ces champignons, elle leur laisserait donc décider. Serpoga, lui, ne voulait vraiment pas essayer et ne prit pas parti. Finalement, Renault dont le cœur battait au rythme des regards de Mirea, accepta de rester pendant que Nany mangerait les champignons et advienne que pourra.

***

Nany se sentit tout à fait normal pendant les heures qui suivirent cet étrange épisode. Ils avaient joué au jeu du morceau de bois et du caillou sans grand enthousiasme en attendant les effets des champignons. Mais dans ces parties manquait les grands gestes d’Oneill lorsqu’il s’emparait violemment du morceau de bois ou du caillou. Finalement ils se retrouvèrent assis autour du feu à attendre, épuisés par leur journée. Mirea dormait dans les bras de Renault qui ne tarda pas à en faire de même. Serpoga, qui écoutait Nany parler – son monologue concernait-il le français moyen, le PAF, l’Europe ? –finit lui aussi par s’endormir dans son sac de couchage, les visions attendues n’arrivant pas. Cela faisait déjà plusieurs heures qu’ils luttaient contre le sommeil pour aider Nany qui avait promis à un Serpoga épuisé de les réveiller en cas de révélation.

Nany, lui ne se sentait pas le moins du monde fatigué mais avait une faim de loup. Il grignotait tout ce qu’il pouvait et relança une tournée de saucisses alors que tous les autres dormaient. Pour s’occuper il alimenta le feu, car il commençait à se sentir hyperactif. A peine les branches données en pâture aux flammes, il les remuait, soufflait sur les braises tout en avalant encore un morceau de pain. Puis il eut envie de marcher et remit ses chaussures, boucla son sac sans réfléchir pourquoi et fit plusieurs fois le tour de la clairière. Incapable de maîtriser ses pensées, il savait que les champignons commençaient à faire effet mais ne pouvait s’organiser en conséquence. Ainsi il ne réveilla pas les autres. Quand il y songeait, il craignait de devoir répondre à toutes leurs questions, puis déjà sa réflexion atteignait l’histoire des relations entre le groupe d’amis, la rencontre avec Serpoga, quelques années plus tôt, qui avait suivi celle des trois autres membres du quatuor urbain. Comme s’il comprenait certaines choses miraculeusement, Nany eut l’impression d’accéder à un nouveau degré de connaissance des relations humaines. Ainsi il prit tour à tour place dans la pensée de chacun des membres du groupe et comprit les tenants et aboutissants de toute leur manière d’être, des pensées les plus généreuses comme les plus mesquines. Il comprenait. Tout.

Son excitation augmentait très vite. En un instant il prit la décision de partir avec son sac, en emportant les quelques saucisses carbonisées car il les avait oubliées. Il lui fallait atteindre le sommet du mont Parnasse car c’était là qu’était Oneill. Il pouvait entendre les muses draguer son ami à mesure qu’il avançait dans la nuit. Il marchait très vite, et ne se rappelait même plus de quelle manière il avait quitté la clairière. Il y a combien de temps ? Avait-il laissé un mot ? Le sentier qu’il suivait était balisé mais il ne se préoccupait pas de la direction. Parfois un raccourci lui faisait les yeux doux, alors il avalait le dénivelé à grandes enjambées parmi les herbes puis les cailloux, à mesure qu’il prenait de l’altitude. Incapable de se souvenir à quelle heure il était parti, il n’avait aucune notion du temps et sa montre était illisible. Il ne fit pas la moindre pause et eut le temps de décomposer tout ce qui était arrivé à Oneill pendant les dernières heures. En compagnie de son ami, il entrait sur la plage et voyait les palmiers. Lui n’avait pas Hendrix en musique de fond, mais il savait qu’Oneill serait poussé par cette musique plaintive. Dans son voyage, Nany n’était pas poussé par une quelconque musique manipulatrice car il arrivait tel un policier sur une scène de crime. Il dirigeait les opérations, observait en chef qu’il était. Tandis qu’Oneill se vautrait sur les transats entouré par les magnifiques femmes en bikini, Nany inspectait les environs, le ciel incroyablement bleu était pour lui un ciel simplement bleu. Les muses, des prostituées qui se servaient de leur charme pour attirer les âmes. Son sifflet resta tranquillement dans sa poche car s’il avait retrouvé la scène du crime, les protagonistes n’étaient qu’imaginaires. Le moment n’était pas encore adapté, il attendrait la fin de la reconstitution, et trouverait Oneill.

Arrivé au sommet du mont, il s’assit et regarda le soleil se lever en mangeant ce qu’il lui restait. C’était une vision de rêve. A cette altitude il voyait dépasser de la ligne d’horizon parfaitement tracée par l’océan de nuages les premiers rayons du soleil dont il était le seul à profiter. Tout autour de lui le paysage était le même, et avec un peu d’imagination – il en avait à revendre – il se voyait en marin au milieu de l’océan, perché sur le mât d’un navire. A la fin de son ascension il lui avait fallu s’aider de ses mains pour escalader les rochers. Rien de bien dangereux, mais il n’était pas un habitué des randonnées et ce sentiment de communion avec la nature il ne le connaissait qu’à une altitude nulle, son éloignement de la civilisation se mesurait habituellement en milles au large des côtes atlantiques. Cette fois il avait découvert une nouvelle dimension, il s’était élevé au dessus des hommes, et il les voyait sans effort deux mille mètres sous ses pieds, vaquer à leurs occupations trop terre-à-terre.

Le moment était venu pour lui de goûter aux fleurs de Sogé qui le rapprocheraient d’Oneill. Ces fleurs aux couleurs rouges et noires constituaient l’unique végétation sur les dernières centaines de mètres du mont. Il en mangea trois pétales en mâchant bien, et regarda encore quelques minutes le soleil d’élever pour percer cette couche de nuages et atteindre bientôt les Hommes.

Serpoga ou les aventures d'un Quatuor Urbain (6)


6. Adieu Serpoga


Quand le soleil finit par illuminer leur petite clairière, Serpoga et les tourtereaux ne purent que constater l’absence de Nany. Ils se rappelaient bien la veillée autour du feu mais devaient admettre s’être endormis comme des masses et n’avaient tout simplement rien compris de ce qu’il était advenu de leur ami. S’il n’était pas là, et que ses affaires manquaient, c’était que ce dernier était sur la piste d’Oneill. Il leur faudrait encore attendre, et Serpoga commençait à s’impatienter. En rangeant leurs affaires, au beau milieu d’un tas d’immondices – l’ami avait fait un festin avant de partir – ils dénichèrent un petit mot griffonné sur un emballage de gâteaux. C’était un message de Nany.

C‘est bon je vais le chercher, pas de problème. Pas la peine de faire le tour par contre je ne sais pas comment faire le chemin inverse, à bientôt, Nnnany.

Malgré le côté surnaturel de la chose, Mirea et Renault furent rassurés. Les champignons avaient fonctionné et Nany était sur les traces d’Oneill. Il faisait sûrement référence au mont Parnasse, et ils ne purent que se rendre à l’évidence, Nany était parti au sommet avec l’intention de tenter l’expérience. Etait-ce vraiment la piste d’Oneill ?

- Mais il trippe complètement, il est parti à Paris – à supposer que ça fonctionne – au lieu de chercher Oneill. Je ne suis pas sûr que ces champignons soient autre chose que de forts hallucinogènes et Nany est en train de bouffer des fleurs au sommet du mont, c’est pas croyable !
- Tu penses que Nicleu était un mauvais plaisantin ? demanda Renault, qui devait admettre que tout ceci pouvait fort ressembler à une vaste plaisanterie.
- Mais bien entendu, et qu’est-ce qu’on fait, nous ? On ne va pas attendre qu’il revienne ici.

Mirea ne disait rien. Parfois elle avait un côté très pragmatique qui lui faisait constater que l’expédition du mont Parnasse avait pour l’instant fait disparaître deux de ses meilleurs amis, peu importe de quelle manière. Elle était heureuse d’être encore avec son homme et se jura de ne se séparer de lui sous aucun prétexte. Mais Serpoga voulait continuer. Arguant qu’Oneill était perdu et que Nany dormait au sommet du mont, il leur fallait continuer, quitte à laisser un mot et revenir dans quelques jours. Renault n’était pas de cet avis, il ne voulait pas abandonner ses amis qui pourraient revenir d’un instant à l’autre. Serpoga s’énerva, et voulut partir seul en exigeant de ses deux compagnons restants leur exemplaire de la traduction du grimoire. Ils ne se firent pas prier pour le lui remettre car ce dernier commençait à leur taper sur le système. Quel individualiste ! Finalement Serpoga prit ses cliques et ses claques et tourna les talons en maudissant le quatuor urbain. Cela faisait à peine une heure qu’ils s’étaient réveillés, quelle humeur de bon matin…

Renault avoua le fond de sa pensée à sa belle, il voulait grimper au sommet du mont pour voir ce qu’il en était, sans faire le tour au préalable, comme l’indiquait Nany dans son message. Si Nany était allé là-bas, ils le retrouveraient soient en le croisant s’il redescendait vers la clairière, soit endormi là-haut épuisé par la nuit de folie qu’il avait du avoir, soit à Paris. Mirea était ravie. Elle pensait exactement la même chose, et avait les mêmes envies que Renault. Etait-ce pour cela que l’on parlait d’âmes sœurs ? Les deux amoureux étaient assez rassurés quand au sort de leurs amis, il n’y avait dans toute cette histoire qu’un type paumé dans la cambrousse et autre crevé au sommet d’une montagne, ou alors, et Renault marqua une pause en regardant sa meuf dans le fond des yeux, ou alors ils se retrouveraient tous à Paris.

Les deux nantais restants n’étaient pas pressés, avant de plier bagage ils s’accordèrent tout ce dont ils avaient besoin dans ce petit coin de paradis, seuls au milieu des montagnes du Pinde. Pour eux aussi le ciel était parfaitement bleu en cette matinée grecque, incroyablement bleu, et les flancs du mont Parnasse respiraient la tranquillité. Mirea s’accrochait à son mec comme pour l’empêcher de disparaître emporté par des muses, mais à cet instant les muses malfaisantes prenaient des notes pour parfaire leurs charmes. Cette grasse matinée en montagne avait des airs de perfection romantique qui leur interdisait toute interruption. Renault proposa à sa Mirea un joint au grand air, et raviva le feu. Elle prépara du thé et remplit son thermos, comme elle avait fait le plein d’intimité avec Renault, prête pour repartir et retrouver leur amis.

***

Nany aurait encore dormi plusieurs heures sous le ciel de Paris au somment de la tour Montparnasse si Lussey ne l’avait pas secoué pour le réveiller. Il grogna encore un peu en suppliant son bourreau d’arrêter la torture mais abdiqua finalement et consentit à se lever. Il mit du temps à remettre ses idées en place, croyant d’abord que c’était cet emmerdeur de Serpoga qui voulait partir à la chasse au trésor. Puis tout lui revint, il cherchait Oneill, et les champignons qu’il avait absorbés la veille l’avaient conduit ici. Ecrasé de démotivation, le jeune juriste frais émoulu de l’université de Nantes n’avait qu’un vague souvenir de son ascension de la nuit passée. En réalité tout ceci lui semblait absurde car les champignons ne faisaient plus effet, mais il restait sidéré d’avoir réalisé de nuit une telle randonnée. Et cet endroit, était-ce vraiment le toit de la tour Montparnasse ? Il se remémorait les évènements de la nuit. Oneill était captif des muses, et s’il était parvenu jusqu’à Paris, c’était parce qu’il allait le chercher au Lido, la boîte de nuit. Ah, elle était loin la mythologie grecque, les muses malfaisantes d’aujourd’hui préféraient le strass et les paillettes, et elles créchaient maintenant avenue des Champs Elysées. Quels ravages elles devaient faire dans la jet-set !

- Mais qu’est-ce que vous faites-là demanda Nany à Lussey et Janen qui le regardaient en souriant.
- Nous venons de nous réveiller nous aussi, en réalité nous sommes arrivés il y a deux jours, tu te rappelles que nous voulions tenter l’expérience ? lui expliqua Lussey, pédagogue.
- Bien sûr, dit Nany, sans trop de conviction car qui devait en même temps intégrer le fait qu’il était à Paris alors que quelques heures auparavant il était au sommet d’une montagne.
- Eh bien nous avons tenté de faire le chemin inverse ce matin même. Nous avions emporté des feuilles de Sogé et nous avons… Lussey hésita.
- Nous avons fait le tour de la tour Montparnasse, tu vois, pour transposer la situation, finit par ajouter Janen.
- Donc ça ne marche pas, conclut Nany, vous raconterez ça dans votre forum.

Effectivement faire le tour du pâté de maison et manger les pétales de Sogé ne permettait pas de se retrouver à nouveau au sommet de la montagne grecque, mais l’effet somnifère avait bien été au rendez-vous, alors tous les trois baillèrent de concert. Nany leur expliqua toute son histoire, d’Oneill disparu en pleine montagne, à son objectif, la boîte de nuit des Champs Elysées, sans omettre le demi-dieu à lunettes. Cette fois-ci ce fut au tour des deux journalistes gallois d’écouter une histoire abracadabrante et de faire les yeux ronds.

- Tu veux dire qu’Oneill a été kidnappé par des muses malfaisantes, et qu’elles l’ont emmené ici à Paris, résuma Lussey, synthétique.
- Oui, au Lido, ça m’est plus ou moins apparu.
- Ecoute, est-ce qu’on peut venir avec toi ? demanda Lussey.
- C’est vrai ajouta Janen, on voulait du sensationnel, nous voilà servis, ajouta Janen.
- OK, mais allons-y alors, dit Nany qui ouvrait déjà la porte se secours.

Ils prirent le métro pour se rendre à Charles de Gaulle – Etoile, et les deux gallois commençaient à aimer Paris et la ballade dans le fameux métropolitain, vieux de plus d’un siècle. Lorsqu’ils débouchèrent sur l’avenue des Champs – Elysées, Janen et Lussey contemplèrent la place de l’Etoile où les voitures circulaient dans tous les sens et l’avenue mythique qui remontait jusqu’à la place de la Concorde. Les voitures circulaient dans un désordre artistique, et le système de priorités était particulier, leur expliqua Nany, heureux de retrouver la France et les français. Mais lui ne voulait pas s’attarder ici, entre les japonais tous équipés en numérique, et les américains, décidément toujours aussi bruyants. Il avait visité Rome par le passé et avait été impressionné comme dégoûté par le nombre de touristes. Cette fois c’était dans son propre pays qu’il se rendait compte que le monde était éclaboussé de quelques tâches de confiture dévorées par des hordes de fourmis.

Ils descendirent les Champs quelques minutes sur les larges trottoirs encombrés de touristes allant tous dans le même sens et arrivèrent devant le Lido. Entrer ne serait pas une mince affaire, avec leur look de baroudeurs. Lussey et Janen avaient pu dormir dans une auberge de jeunesse, et s’étaient plus reposés qu’autre chose depuis deux jours, mais leurs habits et leurs sacs à dos trahissaient un mode de vie peu compatible avec celui de l’établissement. Nany, lui, revenait d’un trip aux champignons particulier puisqu’il s’était au passage offert l’ascension du mont Parnasse et de deux jours sportifs dans les mêmes habits, sa barbe aussi témoignait. Ils pouvaient penser à certains milliardaires vêtus comme des clochards, mais de ceux-là ils n’avaient que les habits. A l’entrée on leur rétorqua tout simplement que c’était fermé. L’antre des muses était bien gardée.

Ne sachant quoi faire d’autre, Nany siffla, longuement et puissamment dans son sifflet anti-muses, si bien qu’au bout de plusieurs minutes finit par apparaître un Nicleu ébouriffé et grognon.

- Dis donc, dévergondé, c’est pas indiqué en didascalie disponible pour tes divers desideratas !
- Je sais Nicleu, désolé, mais là il faut vraiment que tu nous aides, Oneill est retenu là-dedans par les muses malfaisantes. Je te présente Lussey et Janen, ils viennent du Pays de Galles.

Nicleu, qui sortait du lit, avait mis ses habits de lutin à la hâte et cela se voyait. Son collant tire-bouchonnait au niveau des chevilles et la couture qui était censée épouser la raie des fesses était de travers. En guise d’anecdote aux journalistes, il expliqua que le demi-dieu gallois était un fainéant et que même s’ils arrivaient à trouver le sifflet adéquat, ils pourraient s’époumoner que ce dernier ne quitterait pas sa télé. Un grand fan de rugby, qui n’avait dépanné personne depuis des siècles. Lussey et Janen arrivèrent à ne pas conserver trop longtemps leur bouche bée. Concernant leur problème, il leur proposa la solution suivante. Il avait des champignons magiques qui les transformaient en milliardaires, du moins en apparence. Le seul problème était que les champignons étaient aussi hallucinogènes et vraiment puissants. Nicleu prévoyait qu’ils auraient du mal à se tenir correctement. C’est pourquoi il lui restait beaucoup de ces champignons, ils ne servaient pour ainsi dire jamais. Les gallois ne voulurent pas en entendre parler, et Nany empocha les psychotropes « au cas où ». Nany posa une question pertinente à Nicleu.

- Mais qu’est-ce qui se passe pendant ce temps pour Oneill ?
- Désinhibé, le dégourdi divague dans la débauche et les délices, ah, l’idiot doit être séduit et n’abandonnera pas. Il se donne.
- Mais il n’est pas urgent de le récupérer alors ?
- Seul dommage, il devrait en redescendre dégoûté d’être redevenu l’idiot d’avant.
- Oui mais il s’agit de sa vie, il faut qu’il puisse en faire quelque chose, il n’y pas que ces songes.
- Son destin. Débrouille-toi pour le délivrer, mais pas de danger ni d’urgence.

Nicleu en bonus leur expliqua que Renault et Mirea étaient en chemin et débarqueraient à Montparnasse en fin d’après-midi, puis leur souhaita bonne chance. Il allait se recoucher alors ils seraient gentils de ne pas siffler pendant quelques heures, il avait eu une longue nuit avec le demi-dieu hollandais avec lequel il avait rencontré des demi-déesses près de Delphes, la nuit avait été courte.